Régulièrement, dans des magazines consacrés à la santé ou des sites commerçants proposant des compléments alimentaires, la graisse viscérale (« abdominale », celle qui entoure les organes de notre abdomen) est décrite comme étant un péril pour notre santé. Cette affirmation trouve sa source dans un concept médical passé de mode, le « syndrome métabolique ».
Il y a une vingtaine d’années, des médecins ont proposé ce syndrome (c’est-à-dire un ensemble de symptômes) comme prédictif du risque d’accidents cardiovasculaires. Parmi les éléments de ce syndrome, le tour de taille était pris en compte (supérieur à 80 cm chez les femmes et 94 cm chez les hommes), la graisse abdominale étant considérée comme particulièrement évocatrice de problèmes de santé à venir. Les autres éléments étaient le surpoids en général, l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, l’excès de cholestérol, etc. Ce syndrome, à la définition souvent variable selon les sources et sans intérêt particulier en termes de pronostic, a cessé d’être reconnu dès 2006 (ses symptômes sont bien sûr toujours pris en compte, mais séparément).
Même après l’abandon de ce syndrome, la graisse viscérale a continué à être considérée comme un facteur de mauvaise santé. Bien sûr, l’excès de masse grasse (surpoids, puis obésité) est lié à un risque augmenté de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de cancers. Mais il semble y avoir peu de différence entre la graisse sous-cutanée (sous la peau) et la graisse viscérale. Sur 34 000 patients, une grande étude japonaise sur les risques cardiovasculaires (la JPHC-NEXT) n’a pas trouvé, à masse grasse égale, de différence entre les personnes à fort tour de taille et les autres.
Néanmoins, il est un domaine où la graisse viscérale semble se distinguer de la graisse sous-cutanée. Au sein des deux types de graisses, des globules blancs, les macrophages, produisent des substances, appelées « adipokines », qui maintiendraient un état inflammatoire chronique au sein de l’organisme. Cet état inflammatoire « à bas bruit » serait un facteur de risque pour les maladies du cœur et des vaisseaux sanguins, ainsi que pour la santé du foie. La graisse viscérale étant plus riche en macrophages que la graisse sous-cutanée, elle contribuerait ainsi davantage à cette inflammation chronique, en particulier au niveau du foie. Mais, pour l’instant, ce ne sont que des hypothèses qui demandent à être confirmées par davantage d’études scientifiques.
En conclusion, la graisse abdominale, comme celle sous-cutanée, est un facteur de risque de plusieurs maladies. Mais les experts ne sont pas d’accord sur une éventuelle plus grande dangerosité de cette graisse particulière qui tend à augmenter avec l’âge. Les mesures de prévention de l’accumulation de cette graisse sont les mêmes que pour celle sous-cutanée : alimentation équilibrée et activité physique régulière.
Sources
« Syndrome métabolique » : une construction artificielle inutile aux soins. Revue Prescrire, 2006
Kahn R. « Metabolic syndrome—what is the clinical usefulness? », The Lancet, 2008
« Inflammation, adipokines et obésité », La Revue de Médecine Interne, 2009
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