L’immunité collective (également appelée « de groupe », « grégaire » ou « de troupeau ») est un concept qui a émergé d’abord en médecine vétérinaire. Elle correspond au pourcentage de la population qui doit être immunisée (par la maladie ou par la vaccination) pour qu’une épidémie cesse progressivement. Le terme « progressivement » est essentiel à garder à l’esprit, il ne s’agit pas d’un arrêt soudain mais d’une extinction progressive.
Ce pourcentage peut être calculé à partir d’une autre valeur, R0, le taux de reproduction de la maladie, c’est-à-dire le nombre de personnes qu’une personne malade infecte en moyenne dans une population pas du tout immunisée. Ce nombre évolue au cours de l’épidémie avec l’apparition de variants plus infectieux. On calcule le pourcentage nécessaire à l’immunité collective avec la formule 1 – 1/R. Cette formule a été établie à partir de mathématiques probabilistes, en s’appuyant sur la probabilité pour qu’une personne infectée rencontre une personne non immunisée.
Au début de la pandémie de Covid-19, le R0 était autour de 3, donc le taux d’immunité collective était estimé à 1 – 1/3 = 0,66, donc 66 % de la population immunisée pour un arrêt progressif de la pandémie. Mais pour le variant Delta, R0 est estimé autour de 5 (une personne infectée en contamine 5 en moyenne), ce qui donne une immunité collective théorique de 1 – 1/5 = 0,8, soit 80 %.
On le voit donc, l’immunité collective varie selon la contagiosité du virus. Elle varie aussi selon la capacité du virus à évoluer pour échapper à l’immunité naturelle ou vaccinale. Dans le cas des rhumes par exemple, la variabilité des virus impliqués est si importante que l’immunité collective n’est jamais atteinte. En effet, le virus évolue rapidement et parvient à échapper à l’immunité. L’immunité collective devient une sorte de tonneau des Danaïdes qui se vide aussi vite qu’il se remplit.
Enfin, l’immunité collective ne peut s’installer que si l’immunité acquise à la suite d’une infection ou d’une vaccination est stable dans le temps. Si elle perd progressivement de son efficacité, l’immunité collective est de nouveau beaucoup plus difficile à atteindre.
Atteindrons-nous l’immunité collective avec la Covid-19 ? Probablement pas, pour plusieurs raisons :
- l’apparition de nouveaux variants plus infectieux (donc un R plus élevé, donc un pourcentage cible plus élevé) dans les pays où la pandémie sévit le plus fortement ;
- le fait que, avec les vaccins actuels, environ une personne vaccinée sur deux peut encore être infectée (sans en être malade), et donc contaminer d’autres personnes (même si les personnes vaccinées infectées transmettent le virus 12 fois moins que les personnes non vaccinées infectées) ;
- le fait qu’il s’agit d’une pandémie planétaire et qu’obtenir 80 % d’immunité à travers tous les pays semble peu probable, au moins dans les années qui viennent.
Sources
Sur le principe de l’immunité collective, Institut Pasteur, 2020
« Comment atteindre l’immunité collective qui nous protégerait de la Covid-19 ? » Institut Pasteur, 2020
Sur le taux d’infection chez les personnes vaccinées, données britanniques, 2021
Sur la transmission du virus par les personnes vaccinées et non vaccinées, Conseil scientifique, 2021
Attention
Cet article d'actualité rédigé par un auteur scientifique reflète l'état des connaissances sur le sujet traité à la date de sa publication. Il ne s'agit pas d'une page encyclopédique régulièrement remise à jour. L'évolution ultérieure des connaissances scientifiques peut le rendre en tout ou partie caduc.