Cette question est cruciale pour les soignants en cette période d’épidémie et de pénurie de masques. Des informations ont circulé à ce sujet, provenant probablement d’un entretien donné par un chercheur du CNRS/Inserm, le Pr Philippe Cinquin, qui mentionnait qu’un autre chercheur du CNRS, Olivier Terrier, aurait démontré « que la chaleur sèche à 70°C détruit très efficacement une charge virale calibrée (une quantité de virus fixe) déposée sur des masques chirurgicaux et FFP2. »
La question est plus complexe. En effet, le recyclage d’un masque (chirurgical ou FFP2) implique à la fois la destruction des éventuels micro-organismes qui s’y trouvent (y compris dans les plis du masque chirurgical), mais aussi le respect de ses capacités filtrantes. Sur cet aspect du recyclage, l’école de médecine de l’Université de Stanford, en Californie, vient de publier une étude sur le recyclage des masques N95, les FFP2 américains (donc sans plis).
Dans cette étude, deux méthodes de désinfection semblent correctement respecter les capacités filtrantes : le chauffage à 70°C pendant 30 minutes dans un four adapté (pas un four domestique) et le passage à la vapeur d’eau pendant 10 minutes. Mais si ces deux techniques tuent les bactéries E.coli à plus de 99 %, on ignore leur effet sur le coronavirus.
Pour tuer plus sûrement les micro-organismes, mieux vaut utiliser la chaleur humide que la chaleur sèche d’un four. En effet, à des températures modérées (donc respectueuses des capacités filtrantes), l’effet désinfectant de la chaleur est proportionnel au taux d’humidité. Par exemple, pour inactiver les virus de la grippe à 70°C, il est indispensable de maintenir un taux d’humidité d’au moins 85 % pendant 30 minutes. Mais cette humidité peut être néfaste aux propriétés du masque. Par exemple, si un masque N95 reste suffisamment filtrant après 5 passages à 60°C et 80 % d’humidité, son ajustement au visage devient insuffisant dès le deuxième passage à 65°C et 85 % d’humidité. Néanmoins, le Center for Disease Control américain (CDC) considère la chaleur humide comme une alternative possible pour les masques N95 (60°C, 80 % d’humidité, 30 minutes).
En conclusion, il n’existe à ce jour aucune méthode consensuelle pour recycler un masque FFP2, encore moins un masque chirurgical avec ses plis. Par ailleurs, les chercheurs de Stanford rappellent que « aucun soignant ne devrait ramener du matériel contaminé chez lui au risque d’infecter ses proches. »
Sources
L’entretien avec le Pr Philippe Cinquin du CNRS, CNRS Le Journal, 31 mars 2020
L’étude menée par l’école de médecine de l’Université de Stanford sur le recyclage des masques chirurgicaux, 25 mars 2020
La fiche pratique de l’Université de Stanford sur les différentes techniques de recyclage des masques N95, 2 avril 2020
Les recommandations du Center for Disease Control (CDC) américain sur le recyclage des masques, 1 avril 2020
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