Il est de plus en plus fréquent de lire dans les articles sur le microbiote intestinal que la plupart des maladies sont caractérisées, voire causées, par un microbiote intestinal anormal (un « pathobiote » ou une « dysbiose »). Malheureusement, dans les études qui décrivent les modifications du microbiote au cours d’une maladie, d’autres facteurs tels que l'âge, l'indice de masse corporelle (IMC), le genre et les autres traitements médicamenteux ne sont pas pris en compte, de même que les interactions entre les communautés microbiennes de l’intestin. De plus, les modifications observées sont rarement identiques d’un patient à l’autre, comme il est rare que deux personnes, malades ou en bonne santé, aient des microbiotes identiques.
Depuis une dizaine d’années, ce sont les troubles psychiques, comme la dépression ou l’anxiété, qui ont été associés à des modifications du microbiote. Si la communication entre le système digestif et le cerveau ne fait plus de doute (via des neurotransmetteurs, des nutriments apportés par l’alimentation, des peptides, etc.), les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal pourrait participer à cette communication ne sont pas identifiés à ce jour. Néanmoins, des industriels proposent des compléments alimentaires à base de probiotiques censés améliorer la santé psychique en modifiant le microbiote intestinal.
À ce jour, l’existence de micro-organismes capables d’améliorer notre santé mentale (les « psycho-probiotiques ») n’a pas été sérieusement démontrée. Ce concept date d’il y a plus de 10 ans et les études sérieuses manquent toujours sur le sujet. Concernant la dépression, la plupart des études ont été menées chez la souris ou le rat, avec différents types de probiotiques. Ces études ne peuvent pas être généralisées à l’être humain.
Une étude clinique a été menée chez des personnes souffrant de dépression (avec un Clostridium butyricum). Cette étude, de mauvaise qualité méthodologique (pas de randomisation, pas de double aveugle) n’a été menée que chez 40 patients pendant seulement 2 mois. Ces patients continuaient à prendre leur traitement antidépresseur classique pendant l’étude. Les patients prenant le probiotique ont vu leur dépression plus intensément soulagée, mais ce résultat n’est guère fiable.
Récemment, une analyse croisée des études existantes (sur l’ensemble des troubles psychiques, essentiellement le stress) a suggéré un effet positif des fibres alimentaires (qui contribuent à la bonne santé du microbiote en général) et des lactobacilles (les bactéries des produits laitiers et de nombreux aliments fermentés).
En conclusion, aucune preuve sérieuse n’existe sur l’efficacité de souches de probiotiques dans la prise en charge de la dépression et de la santé mentale en général. Même si les modifications du microbiote observées sont un jour confirmées, rien ne prouve que la prise de compléments alimentaires contenant des probiotiques soit capable de soulager une maladie ou même de durablement modifier notre microbiote intestinal.
Sources
L’étude sur la dépression, 2018
L’analyse croisée des études existantes, 2022
Un article sur les mythes concernant le microbiote intestinal, 2023